Mardi 23/09/1997 à 11:30:04

Trafic de "pilules de l'amour", un dealer se confesse

Samedi soir Zurich à l'entrée d'un club techno. Scénario connu : un dealer nous aborde afin de nous proposer ses services. Nous refusons mais lui proposons de nous rencontrer. Il accepte de répondre à nos questions à condition de garder l'anonymat. Ce qui nous a frappé d'abord c'est que rien ne le distingue en apparence d'un jeune ordinaire.
Depuis quand es-tu dans le mouvement techno? Depuis environ deux ans.

Qu'aimes-tu dans ce mouvement? La mentalité pacifiste, la découverte de nouveaux sons, les jolies filles et c'est la seule musique qui me fait bouger.

Es-tu un accroc des week-ends de folies au rythme de la techno? Oui, tous les week-ends que ce soit le vendredi et le samedi soir, ainsi que le dimanche après-midi.

Qu'est ce qui t'as poussé à dealer? J'avais des grosses dettes dues à ma consommation personnelle d'une dizaine de pilules par soirée.

Que deales-tu? Essentiellement des ecstasys, parfois des trips (L.S.D.) et un peu de speed (amphétamines).

Es-tu sûr de la qualité de tes produits? Celle de l'ecstasy est sûre, alors que celle des trips est parfois incertaine. C'est pour cela que je teste mes propres produits avant de les vendre.

En vends-tu au premier venu? Dans les soirées oui mais pas dans ma ville.

De qui se compose ta clientèle? De clients réguliers m'achetant une centaine de pilule par week-end, ainsi que des inconnus rencontrés pendant des soirées ou dans des clubs techno.

Quelle est l'âge et le sexe de tes clients? Ma clientèle est composée principalement d'hommes de 15 à 21 ans.

As-tu déjà eu des problèmes avec tes clients? Oui, à cause de la qualité des trips.

Et avec la justice? Non.

Mais as-tu peur? Oui, j'ai peur de la dénonciation et des fouilles durant les soirées ou quand je vais chez mon fournisseur.

Connais-tu l'acheminement de la marchandise jusqu'à toi? En fait, j'achète

tout chez un dealer de plus grande importance (qui stocke 100'000 à 300'000 pièces) qui lui-même achète directement aux fabricants clandestins.

Penses-tu que dealer est une façon facile de se faire de l'argent? Oui, malgré les risques et le fait que ça te fiche ta soirée en l'air.

Quelle est ta marge entre l'achat et la vente de tes pilules? J'achète Fr. 6'500 les mille pièces ou Fr. 1'300 les cent pièces et je les revends de Fr. 25 à Fr. 30.

Et ton bénéfice mensuel? De Fr. 1'000 à Fr. 2'500 par soirée.

Que fais-tu de ton bénéfice? Après avoir remboursé mes dettes, j'ai pu m'offrir des voyages ainsi qu'une petite voiture.

As-tu des remords de vendre de la drogue? Non, je ne fais que répondre à la demande actuelle.

Que pense ton entourage de tes activités? Ma famille n'en sait rien, mes amis le savent ce qui entraîne de la jalousie chez certains.

Penses-tu encore continuer longtemps? Non, car je deviens trop connu ce qui accroît les risques.

Le problème de l'ecstasy comme toutes autres drogues est un problème de société. Quand on voit en grand titre "Razzia de 32'000 pilules de l'amour à Berne" on peut rire parce que 32’000 pilules ce n’est rien par rapport au million de pilules mangées tous les week-ends dans les pays riches. Ce qui nous montre à quel point les gens ne sont pas conscients de l’ampleur du marché de la drogue. Les dealers n’ont pas créé la demande mais ils n’ont fait qu’y répondre. Il resterait à chercher sur quel manque se greffe une telle demande.

Fabrice Sbarro et Christophe Rochat
CESSNOV, Yverdon, Suisse
24 d'un Jour, No 1
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Posté le Mardi 23/09/1997 à 11:30:04
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