Lundi 22/09/1997 à 16:16:32

Une volonté européenne à l’épreuve des plus grands sacrifices

3,6% de déficit en moins, ce qui correspond à une économie budgétaire de 110 000 milliards de lires, voilà le but du gouvernement "centre gauche" au pouvoir pour être en mesure, à la fin de l’année, d’entrer dans les exigences monétaires européennes.
Les Italiens sont les champions de l’européanisme, ce sont les plus favorables à l’union monétaire parmi les quinze pays membres de l’Union européenne", com-mente Giampiero Gramaglia, responsable de l’information étrangère pour l’agence de presse nationale italienne ANSA. "L’union monétaire est une priorité pour les Italiens, c’est pourquoi ils manifestent un aussi vif intérêt pour l’euro." Cet intérêt peut se comprendre lorsque l’on compare la future stabilité de l’euro et la situation précaire de la lire, en régulière dévaluation. Une majorité importante des Italiens (90% d’après un sondage de la Communauté) est prête à sacrifier son confort personnel pour pouvoir entrer dans le jeu européen de la monnaie unique, car, comme l’explique ce responsable de l’information étrangère avec une certaine amertume: "Les Italiens n’ont pas le sentiment d’être Euro-péens. L’Europe n’existe pas sans la France, l’Allemagne, la Belgique... Cependant, l’Italie n’est pas nécessaire à l’Europe monétaire. Même l’Allemagne considère que l’union monétaire serait mieux sans l’Italie et l’Espagne." Puis il ajoute: "Les Français ont peur, en élargissant trop l’Europe, de gâcher le jouet qu’ils ont imaginé." C’est pourquoi les Italiens ne se découragent pas et luttent pour ne pas être margi-nalisés. Ils voient donc dans cette union monétaire, dont certains auraient voulu les éloigner, une promotion d’eux-mêmes et une occasion de se voir acceptés. Un poids... très lourd! Avec un déficit budgétaire de 6,6% par rapport aux 3% réglementaires requis, l’Italie n’avait, jusqu’à l’an dernier, aucune chance d’entrer dans le système économique européen. Puis elle s’est rendu compte qu’elle devait faire des efforts, seule, pour diminuer ses dettes publiques, et que l’Europe ne comportait pas uniquement des avantages, mais également un prix à payer: dans son cas un déficit budgétaire à diminuer de 3,6%, soit 110 000 milliards de lires à économiser en une année (un million de lires w 800 francs suisses). Pari a priori impossible! Et pourtant! A trois mois de l’échéance, il est quasiment tenu. En effet, grâce à une taxe européenne, le but sera atteint au prix d’énormes sacrifices: les Italiens se voient retirer, depuis le début de cette année, une taxe européenne au prorata de leur revenu mensuel déclaré. Cette taxe européenne correspond à un million de lires en moyenne, par tête et par année, de moins sur le budget familial. Rien qu’avec cette taxe, plus de 3% du déficit doit pouvoir être comblé cette année. Mais cette taxe n’est pas une mesure structurelle et donc ne résout pas le problème de fond: de trop grandes dépenses sociales. Système à privilèges...

"la baby-retraite" Le gouvernement a donc décidé de prendre des mesures de restrictions

budgétaires strictes, notamment en matière sociale: santé publique, pensions, éducation... C’est la première fois que ce système est remis en cause, et cela, paradoxalement, par un gouvernement de centre gauche, qui estime que la sécurité sociale fonctionne bien mais coûte trop cher. Les Italiens grognent, mais acceptent, car ils sont convaincus que tout cela va les mener à l’objectif fixé. Il est vrai que de nombreux dysfonctionnements existent dans la Botte. Un exemple pour illustrer ses dires, Giampiero Gramaglia expose cette version tout à fait atypique de la retraite: après dix à quinze ans de bons et loyaux services, un employé de l’Etat peut prendre sa retraite, même s’il est âgé de 35 ans. Il bénéficie alors d’une pension payée par les travailleurs. Géré par un système de caisse ouverte (AVS suisse), un de ces "baby-retraités" coûte un million de lires de pension par mois. Million retiré du salaire de personnes obligées de travailler. Ce système peut donc paraître fort agréable, mais il n’est pas sans injustice. Effectivement, seuls les em-ployés privilégiés, issus de familles aisées, peuvent s’offrir le luxe de ne plus tra-vailler: "La couverture sociale italienne protège bien, mais accentue la différence entre privilégiés et non privilégiés", commente Gramaglia. Ce système trop coûteux est donc remis en cause. L’âge de la retraite est repoussé peu à peu, et atteindra, en 2008, l’âge normal de 60 ans, dans le cadre de la remise à flot de l’économie italienne. Malgré tout, les Italiens se taisent et subissent, car l’Europe, dont ils furent parmi les six premiers à faire partie, est perçue comme quelque chose de positif. Et tous leurs efforts et privations sont sur le point d’aboutir. Interrogée sur le même sujet, l’attachée de presse de l’ambassade de France en Italie nous livre à contrecœur ce commentaire: "Le mauvais élève est sur le point de passer son examen, alors que les bons élèves, la France et l’Allemagne, vont le rater." Paradoxal, non? Pas très catholique! Un élément qui reste tout de même important, quand on sait les sacrifices endurés par une majorité des Italiens pour réaliser leur rêve: les Italiens travaillant au noir sont encore environ neuf millions! Ils ne déclarent nulle part leurs revenus et échap-pent donc, entre autres, à la taxe européenne. Le pourcentage prélevé sur les salaires déclarés s’en trouve augmenté aux dépens des gens honnêtes, qui supportent déjà une charge importante. Pourtant, ces travailleurs clandestins désirent-ils moins l’Union économique que les autres? Sûrement pas. Alors qu’attendent-ils pour jouer avec les autres en obéissant aux mêmes règles? Profiter de ses compatriotes pour réaliser un de ses rêves? L’honnêteté ronge les consciences...
Monique Jaggy
CESSOUEST, Nyon
24 d'un Jour, No 1
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Posté le Lundi 22/09/1997 à 16:16:32
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