EURO-REPORTAGES - FLORENCE

Florence vit de l’art
et risque d’en mourir

Texte et photos : Christel Rasquinet - Athénée deDurbuy

Septembre 1996

 

La place de la Seigneurie, à deux pas de la Galerie des Offices, grouille de touristes tout au long de l'année.

A Florence et en Toscane, le tourisme « culturel » a pris de telles proportions qu’il a nécessité la mise en place d’un personnel spécialisé qui étudie les problèmes liés à ce phénomène exceptionnel et tente de les résoudre au mieux.

PEUT-on évoquer le Toscane en général, et Florence en particulier, sans aborder, même brièvement, le volet touristique ? Au cours des dernières décennies, le nombre de touristes a cru sans cesse au point de saturer en haute saison la cité des Médicis. Pour en savoir plus sur le tourisme à Florence, nous avons rencontré M. Arnaldo Melloni, responsable à la recherche et au développement touristique de la commune de Florence, Mme Claude Monlan, secrétaire du Dr Paolo Baglioni, chef du tourisme et Mme Anne-Marie Belmon, responsable de la promotion pour la commune de Florence.
Premier constat : c’est sans aucun doute à la crise économique qu’il faut imputer la diminution, sensible, ces dernières années, du tourisme interne. Les autochtones n’ont plus les moyens financiers de prendre des vacances d’autant que la monnaie – la lire – a connu plusieurs dévaluations successives.
Pour cette raison aussi, le tourisme extérieur a enregistré, quant à lui, et dans le même temps, une nette progression. Parmi les Européens, ce sont surtout les Allemands, qui ont une monnaie forte, qui prennent leur vacances à Florence. Ils se déplacent d’ailleurs sur l’ensemble du territoire toscan, qui représente pour eux la région de rêve par excellence. On les retrouve en nombre dans les villes d’art mais aussi dans les cités balnéaires et thermales de la région. Viennent ensuite les Français et les Anglais.

Plus de 25 000 nuitées annuelles

Dernièrement, expliquent encore nos interlocuteurs, on a assisté à l’arrivée massive de touristes russes. Il faut encore citer les Japonais. Après les Américains, ils sont les plus nombreux à Florence. Ils constituent un tourisme de masse mais aussi très rapide. Le plus souvent, ils visitent l’Europe, c’est-à-dire les villes les plus célèbres, Londres, Paris et donc Florence, en quelque huit jours. Ces touristes-là ne font guère l’affaire des commerçants car ils n’ont pas le temps de dépenser.
Si les touristes consomment différemment, tout se vend : de la babiole à l’objet d’art. Ce sont les Russes qui effectuent les plus gros achats. Les touristes de l’Est, quant à eux, beaucoup moins argentés, fréquentent les hôtels les moins chers (une étoile) quand ils ne dorment pas dans leur car. Une enquête récente – mars 1995 – a mis en évidence que ce sont les Allemands qui réservent leurs nuitées dans les hôtels de quatre et trois étoiles. Les Italiens semblent préférer les hôtels de qualité inférieure, deux étoiles.
Le nombre total des nuits passées dans les hôtels toscans, s’élève à 16 700 000 dont 26 % à Florence même. A cela, il faut encore ajouter les 10 000 000 de nuitées enregistrées en dehors des hôtels (campings surtout) dont 18 % pour la ville de Florence. Ce chiffre, par ailleurs, serait encore en-dessous de la réalité. C’est dire si la composante touristique est essentielle en Toscane et donc à Florence.

Mieux gérer l’afflux touristique

Cette réalité ne va pas sans poser d’importantes questions quant à l’organisation des flux touristiques.
L’on sait combien la pollution due aux gaz d’échappement est importante dans les villes touristiques très fréquentées et combien cela est nuisible aux monuments. On sait aussi combien souffrent les œuvres d’art dans les musées en raison du nombre considérable de visiteurs. Comment alors protéger ce patrimoine tout en lui conservant sa fonction première qui est d’être vu par un maximum de personnes ?
Et nous touchons ici un autre point sensible du problème touristique : comment faire circuler un maximum de touristes sans que cela ne devienne une cohue insurmontable ? Les files interminables, les attentes prolongées aux entrées des musées,... cela n’a jamais servi la beauté et l’art.
A Florence, des solutions ont été trouvées notamment en matière de réduction du trafic dans le centre. Celui-ci est désormais réservé aux piétons qui y sont amenés par des bus circulant depuis les abords de Florence où sont aménagés d’immenses parkings. Les agences étrangères sont invitées à réserver pour leurs cars un emplacement, au nord ou au sud de la ville. Les touristes y sont pris en charge, par les services locaux, aux différents « checkpoints » installés à cet effet.
« Florence vit de l’art et risque d’en mourir » : cette phrase de Mme Belmon résume admirablement la réalité florentine. Il faut, à Florence, trouver des solutions aux problèmes inhérents au tourisme. On y pense, on y travaille, on agit même. Et l’on parle aussi beaucoup de la construction d’un palais du tourisme – il devrait être construit derrière les Offices – mais, comme le faisait remarquer Arnaldo Melloni, « il sera fait demain... après-demain... dans deux mois... ou peut-être jamais ». Car l’Italie, c’est aussi cela !