EURO-REPORTAGES - FLORENCE

C’est la période des anges

Texte et photos : Claire Roekens - Institut St-André de Ramegnies-Chin

Septembre 1996

 

L'artiste au travail.

Mais demain?

L’artisanat semble dans l’impasse. La bureaucratie exige des maîtres de stage, des conditions plus que coûteuses s’ils désirent prendre un apprenti. Claudio déplore: «La jeunesse est belle mais on ne nous donne plus l’occasion de lui transmettre nos métiers.» De plus, l’artisan craint et redoute la concurrence puisqu’à Florence, à son grand regret, la jalousie et l’avidité déchirent la profession. «Il n’ y a aucune solidarité entre nous, c’est triste pour tout le monde.»

Selon les souhaits du public, Claudio Torrini sculpte avec passion anges et feuilles d’acanthe. Depuis maintenant 26 ans, il répète les mêmes gestes.

Selon les souhaits du public, Claudio Torrini sculpte avec passion anges et feuilles d’acanthe. Depuis maintenant 26 ans, il répète les mêmes gestes.
Au bout d’une dizaine de marches, un atelier vétuste, débordant de faux or et de séraphins, respire paisiblement le parfum du jeune bois. La boutique s’enfonce sous le poids des ans. Juste un soupirail offre air et lumière.
Au cœur de cette cave, travaillent deux artisans en parfaite osmose avec le pin qu’ils éduquent.
L’un d’eux, Claudio Torrini, homme buriné par la quarantaine, nous fait partager son amour pour un métier peu encouragé à Florence.

4 ou 5 naissances par jour

A l’âge esquissé de 14 ans, Claudio quitte son statut d’écolier pour apprendre la vie à travers son métier de tailleur de bois. Au fil des anges, il s’éprend de sa tâche et acquiert davantage d’agilité et de souplesse. Ses sujets rêvent de plus en plus d’un envol qui restera onirique... La grâce se fait pin.
Aujourd’hui associé à M. Cavallero au 38 de la Via dei Benci, Claudio Torrini répond à la demande de son public principalement composé de touristes, de revendeurs italiens mais aussi français et allemands.
Sur commande, pour les grandes quantités, il offrira des modèles typiquement florentins de style baroque et des décorations profanes empruntées au XVIIe siècle.
Selon un procédé vieux de deux cents ans, Claudio Torrini travaille un bout de pin de montagne pour sa docilité à défaut du noyer devenu trop cher.
A l’aide d’un pantographe, instrument servant à reproduire, réduire ou agrandir mécaniquement une forme, il dégrossit le bois dans le souci d’une production accrue.
Il dessine alors le motif souhaité et sculpte le pin grâce à des dizaines d’outils bien précis. Un ange naît. Claudio est aux anges...
Au crépuscule, seront sortis de ses mains quatre ou cinq anges et une vingtaine de feuilles de pin.

Un ange passe...

Avec un peu de mélancolie, l’artisan, artiste à ses heures, nous confie ses regrets quant à la gestion du patrimoine de Florence. Il dénonce les responsables d’une inertie qui songent plus à investir dans l’entretien de l’héritage des siècles au sein d’une ville qui crie ses limites.
Silence, un ange passe...