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A
80 km de la fourmillante Florence, Lucca est une petite
ville paisible et accueillante. Elle offre jusquau
30 septembre prochain une superbe exposition de
sculptures en bois polychromes: «Lart
retrouvé»
Cette exposition a ouvert ses portes le
16 décembre 95, après 20 ans de travail et
de passion. 20 ans pour, tout dabord, ratisser la
Toscane et recueillir parfois dans des conditions de
conservation déplorables des statues datant du
XIIe au XVe siècles. 20 ans pour accueillir ces
âmes maculées et leur rendre leur
beauté originelle par mille et un
procédés. 20 ans pour aller en quête
de fonds et de lieu, dautorisations et de soutiens
à lexposition.
Cest grâce à la surintendance de Pise,
chapeautée par lEtat italien, que cette
opération a pu être menée à
bien, mais aussi grâce à des fonds
destinés à restaurer les murailles de la
ville et grâce à une banque de la
région.
Le but des restaurateurs réside en la restitution
de lesprit de lartiste du moyen âge ou
de la Renaissance.
En effet, au cours des siècles, ces uvres
ont été remises au goût du jour et
donc repeintes tous les 60 ou 70 ans.
Cest ainsi que Marco Gazzi, restaurateur à
la Villa Guinigi de Lucca, a parfois ôté
plus de dix couches de peinture de ces statues. Celles-ci
ont été sculptées au moyen-âge
par des artistes toscans dans du bois de peuplier,
cerisier ou tilleul à laide doutils
rustiques. Les sujets et les couleurs varient et
évoluent au fil des siècles. Vierges
à lenfant, crucifix et portraits ont
été mutilés, bafoués,
humiliés dans leur identité pour plaire au
public du moment.
Marco veut aujourdhui rendre à ces
uvres ce que le sculpteur leur a offert, les
formes, les attributs et les couleurs de leur naissance.
Pour ce faire, Marco et son assistante Laura ont recours
à des techniques modernes. Les statues sont
soumises à des analyses chimiques, des carottages
très minutieux quon appelle stratigraphie
pour déterminer le nombre de couches de peinture
et de plâtre à enlever. Ils procèdent
alors au nettoyage de la statue au moyen de bistouris et
de solvants.
Cest dans un souci dauthenticité
absolue que les restaurateurs rendent aux visages ce
quil leur reste de leur enfance.
Il avait les yeux bleus
Au cur de cette fabuleuse
collection figure un flamand, Santo Vescovo.
Sculpté au XIIIe siècle en chêne
massif, il a fait lobjet dun échange
de la Toscane avec les Flandres. Arrivé à
Lucca au XVIIe, il est déchargé de son
bagage toujours inconnu et introuvable, et
dépouillé de son nom. Lucca en fait son
saint patron, San Paolin.
Ses yeux bleus et son teint pâle,
témoignages de ses origines nordiques, sont
assombris pour certifier ses nouvelles racines. On
laffuble alors de lemblème de la
ville, la cathédrale de Lucca. Au fil des
semaines, les artisans ont rendu à Santo Vescovo
sa dignité dantan.
Le devenir du beau
La question de la conservation des
uvres reste ouverte. Ainsi, pour les splendides
bois polychromes exposés à Lucca
jusquau 30 septembre, demeure langoisse de
laprès-expo. En effet, les
témoignages de la beauté dhier sont
menacés par loubli et lanonymat
jusquà lagonie sils sont
à nouveau livrés à
lhumidité des greniers où ils ont
séjourné longuement.
Une exposition et un travail que lavenir
interroge...
Dans quelques jours, les statues seront
confrontées au temps.
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